mardi 22 janvier 2008

Petit guide destiné au polytechnicien perdu qui cherche un stage en finance


Bon, le titre est volontiers provocateur, parce que si les X, qui sont privilégiés par de nombreux aspects, n'arrivent pas à trouver un stage, même en finance, où va-t-on? Mais ce n'est pas aussi simple que ça puisque les marchés ont la bonne idée de partir un peu en vrille en ce moment (c'était assez étrange de vivre un krach en direct aujourd'hui, il faudra que j'en parle, tiens), et donc forcément, ça vire un peu à tout va, notamment chez les anglo-saxonnes à Londres. Et de plus, les X qui cherchent un stage en finance de marché ont certaines contraintes: il doit s'agir d'un stage quantitatif, de recherche, "off-cycle" (c'est-à-dire un stage de 3 à 5 mois qui ne soit pas un summer internship), et la concurrence est rude, notamment avec ceux qui ont un M2 de finance est qui sont disponibles aux mêmes dates (à partir d'avril). Mais évidemment, les non-X pourront trouver des infos utiles dans la suite de ce billet.


Déjà, première chose, pas de stage sans entretien, donc il faut être prêt: maîtriser le cours de calcul stochastique, le Hull pour les questions pratiques, et les ouvrages et sites classiques (demandez aux anciens) pour les brainteasers, ces sympathiques énigmes de logique ou de probabilités qui occupent parfois les 3/4 du temps de l'interview; éventuellement un peu de C++, de Matlab ou de VBA. Bien sûr, être capable de répondre aux questions en anglais, c'est un peu indispensable pour postuler dans les banques anglo-saxonnes. Enfin, soignez votre CV et vos "cover letters" (motivation), restez sobres et classiques, évitez tout élément polémique et ça passera souvent le screening.


Dans quel domaine chercher un stage? La finance quantitative est vaste. Etant donné que vous ne pourrez pas trader étant stagiaire, qu'être assistant-trader est refusé par l'X (après, vous pouvez gérer avec l'équipe qui vous accueille pour trouver un sujet de stage bidon et faire des trucs pas matheux du tout, mais gare à la soutenance en juillet), qu'il n'est pas évident de trouver des postes de structureur, et que sales soyons sérieux mais non, en gros, vous serez un quant junior (ou analyste quantitatif, ou ingénieur financier). Mais il y a quant et quant: dans une équipe de recherche pure sur l'élaboration de modèles, en marge des salles de marché, avec de la modélisation, et beaucoup de programmation, ou sur un desk de trading, ou c'est plus appliqué, avec pas mal de back-testing de stratégies, de simulations.


Mais quelle branche particulière de la finance de marché choisir? En gros, il y a des produits dérivés sur divers sous-jacents: actions, taux, crédit, FX (devises), commodities... ou alors des fonds de tout ça, ou encore des produits hybrides. Quand les produits sont très simples, tout est automatisé, c'est du "flux". Quand c'est toujours simple mais un peu moins, c'est du "vanille". Et quand c'est matheux et complexe, c'est "exotique". Les X privilégient les dérivés exotiques en actions (spécialité française à la SG et à la BNP), en taux (parfois plus complexe, les anglo-saxons sont par contre pas mauvais: JP Morgan, Deutsche Bank...)... En marge des dérivés, il y a également le trading quantitatif, en fond propre, avec notamment des techniques d'arbitrage statistique, haute ou basse fréquence, qui consistent à tirer partie des inefficiences du marché en élaborant des stratégies permettant de réaliser des profits à coup sûr (bon pas tout à fait en fait).


Quelles sont les banques les plus prestigieuses? Goldman Sachs (très bons dans pas mal de domaines), Morgan Stanley (mais ils ne brillent pas sur toutes les catégories de dérivés), JP Morgan (taux, crédit...), Lehman Brothers, UBS (actions, FX... mais grosse gamelle l'an dernier), Merril Lynch (pas mal là aussi mais gare aux turbulences), Deutsche Bank (taux, actions), Crédit Suisse (bonne recherche), Citi, Barclays ( commodities), BNP et SG ( actions, stat arb), HSBC (qui est l'une des rares anglo-saxonnes à employer du monde en marché à Paris), Calyon (taux)... Mais il n'y aura pas de place pour tout le monde dans ces banques, vu que certaines de prennent que quelques stagiaires par an (le stage n'est pas trop dans la culture anglo-saxonne notamment, à part les summers). Donc ne pleurez pas, des stages chez Natixis, AXA, Dexia, Oddo peuvent être passionnants, parfois bien plus que dans une plus grande institution. Et n'oubliez pas de vous renseigner auprès d'acteurs plus marginaux, EDF (qui trade sur dérivés énergétiques) ou bien sûr, les fonds d'investissement (de plus en plus quantitatifs, mais sacrément sélectifs): par exemple, Capital Fund Management, fondé par un ancien du CEA, applique des méthodes en finance tiré de la physique, et c'est paraît-il très intéressant.


Enfin, où faire son stage? Plutôt facile à trouver à Paris, même si la rémunération est moins importante qu'ailleurs. Plus délicat à Londres, puisque tout le monde veut y aller. Les rémunérations sont très attractives ( 3000£ par mois...), amis il faut penser aux impôts, au loyer, au coût de la vie. Et attention, même si Londres c'est prestigieux, il y a quand même des équipes, même dans les banques renommées, qui ne vous feront pas faire de travail intéressant. New York, c'est très compliqué pour des problèmes de VISA. Enfin, l'Asie, pourquoi pas, les banques anglaises recrutent un peu à Hong Kong, les françaises recherchent aussi des stagiaires à Tokyo. Et puis il y a les destinations encore plus rares: Luxembourg... Je déconseille de faire un stage de recherche en université aux USA, même si c'est parfois très intéressant, car de l'avis même des profs de l'X, un contact avec le marché est primordial, même en recherche.


Bref, il faut bien commencer à chercher un stage. Commencez dès début novembre, peut-être même avant, car les dates limites arrivent très tôt. Dans l'ordre, voici les pistes à explorer:



  1. Le Piston. Ca marche quand même sacrément bien si vous avez un grand frère qui bosse à Londres par exemple, et qui peut faire passer directement votre CV en vous recommandant. Bon, après, y a intérêt à assurer.

  2. Les contacts au travers de l'annuaire des anciens. C'est pas très compliqué, vous regardez les X qui travaillent dans l'entreprise qui vous intéresse (de préférence les jeunes), et vous envoyez votre CV, avec quelques questions dans le mail. Ca marche bien mieux qu'on ne le pense, et ça débouche souvent sur un entretien.

  3. Le catalogue des stages de l'année passée. Souvent, certains stages sont reconduits, le plus simple est donc de contacter l'X qui a fait le stage qui vous intéresse, éventuellement après avoir lu son rapport de stage, et de lui demander comment contacter directement l'équipe qui l'a eu (bon évidemment, ça ne marche que si son stage s'est bien passé...)

  4. Le site web du département de maths app où sont centralisées les offres de stage. Elles ne sont pas réservées aux X, certaines ne conviennent pas, mais en suivant les annonces pour postuler, vous aurez souvent un entretien.

  5. X-Forum: profitez-en pour passer votre CV directement aux équipes qui vous intéressent. Plus facile dans les banques françaises qu'ailleurs.

  6. Postulez en ligne. C'est long, fastidieux, et assez inefficace pour le type de stage que l'on recherche, mais sait-on jamais, certains ont été servis. Il y a souvent des rédactions à faire, des tests numériques à passer, et on attend souvent longtemps avant d'avoir un feedback, donc on passe souvent à autre chose.

  7. Allez voir directement le département de maths app, ils ont parfois des offres pour les bons élèves, mais c'est souvent de la recherche pure et dure.

  8. Postez votre CV sur les sites spécialisés (math-fi, efinancialcareers, manageurs...). Mais c'est très hypothétique.

Bref, là, vous devriez trouver votre bonheur. Bon naturellement, tout cela irait mieux si la conjoncture était meilleure, mais la finance de marché n'est pas encore morte.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Conseil 1 : utiliser le correcteur orthographique. Dans un blog ça fait mauvais effet (à corriger d'urgence), sur un CV ou lettre de motivation, c'est pire.

Conseil 2 : les "quant" ne sont pas tous des "X", loin de là. Ne les indisposez pas avec ça, mais mettez en avant vos vraies qualités en matières quantitatives.

Conseil 3 : le prestige d'un établissement ne doit pas passer avant la qualité de l'offre d'emploi (contenu, perspectives, rémunération).

idx a dit…

Réponse au conseil 1: j'attends avec plaisir la localisation précise de mes fautes sur ce billet, à part une "coquille" qui s'est glissée, ce qui arrive quand on écrit vite, et que je viens de corriger. J'admets tout à fait que des fautes d'orthographe font mauvais effet dans une lettre ou un CV; mais un blog, on ne prend pas forcément le même soin à écrire, et donc ce genre de remarque me paraît complètement déplacée vu le nombre de fautes justement présentes dans l'ensemble de mon blog.

Réponse au conseil 2: évidemment, les quants sont loin d'être tous des X, je n'ai jamais dit le contraire, numériquement c'est impossible, vu qu'en moyenne il y a, je dirais, 20 ou 30 X qui choisissent cette voie chaque année. Après, ce billet est destiné en priorité aux X, vu que j'avais reçu de nombreux mails de leur part à ce sujet, c'est pourquoi cela peut donner l'impression de se focaliser uniquement sur les Polytechniciens.

Réponse au conseil 3: là encore, remarque évidente, surtout en ce moment. Je ne dis nulle part que le nom est le critère à privilégier.

Bilan: bon, c'est quand même sympa d'écrire des mails, même s'ils ne brillent pas par leur valeur ajoutée.

idx a dit…

J'ajoute que si je devais actualiser ce billet, cela se résumerait sûrement en: "faites jouer le réseau, ou cherchez autre chose".

Bobar a dit…

Très bon tuto, ça m'as vachement aidé, et je confirme le classement par ordre de priorité des canaux donnés de ce tuto.
Vive l'X ! Surtout les binets Styx et Binouze ;)