Il y a peu de données objectives pour comparer les Ecoles (de commerce ou d'ingénieurs). Le salaire à l'embauche est souvent peu fiable et biaisé par les secteurs d'activité et le lieu de travail des jeunes diplomés. Il est dur de déterminer les partenaires internationaux qui apportent un vrai plus qualitatif. Et les autres données, bien qu'importantes (nombre d'associations étudiantes, centre-ville ou campus en banlieue...) ne sont pas vraiment objectives (ce qui en soi n'est pas un tort). Reste donc la question: où vont les bons élèves?
Les écoles évoquent souvent le rapport nombre d'admis/ nombre de candidats, mais ce n'est qu'une indication partielle. En effet, déjà, il arrive que certaines écoles "oublient" que le nombre de candidats finalement admis est bien supérieur au nombre de candidats intégrés (du fait de démissions vers d'autres écoles). S'il y a 3000 candidats pour 300 places, mais que le rang du dernier intégré est 600, la sélectivité est de 20%, et non 10%... logique, jusque là, il suffit de ne pas maquiller les chiffres, et tout va bien.
Oui mais ce n'est pas si simple. Prenons deux exemples:
- Il est acquis que de manière générale, les étudiants de prépa commerciale préfèrent l'ESCP-EAP à l'EM Lyon. Pourtant, le taux de sélectivité est de 18% environ à l'ESCP (900 admis sur 5000 candidats), contre 16% à l'EM Lyon (1000 admis pour 6000 candidats). Bien sûr, les concours sont en partie disjoints et qu'on peut imaginer que certains étudiants qui réussissent à l'ESCP échouent à l'EM Lyon (de même, à peine un peu plus de la moitié des admis à l'ESSEC auraient pu être acceptés à l'ESCP, comme quoi...). Mais là, il y a deux autres facteurs très importants:
- un phénomène d'autocensure de la part des candidats qui ne présentent pas l'ESCP (du fait du coût ou de faibles chances de l'avoir). Ainsi, avec 6000 candidats, la sélectivité de l'ESCP serait supérieure. D'ailleurs, le vrai chiffre de sélectivité devrait être 900/8000 (le nombre total d'étudiants en prépa HEC).
- le fait que près de 300 étudiants, souvent déjà admis à l'ESCP (du fait de dates de résultats différents) boudent les oraux de l'EM Lyon. Comme ce sont de plus de bons candidats, on peut supposer que beaucoup d'entre eux auraient pu intégrer l'EM Lyon et donc faire augmenter le rang du dernier intégré.
- Deuxième exemple: en prépa scientifique, filière PC, le rang du dernier intégré aux Mines de Paris est environ 100 selon les années, contre 160 à l'X environ. Et pourtant, l'X passe pour être un peu plus cotée. Là encore, des dizaines de candidats "zappent" l'oral des Mines; et surtout, les Mines maintiennent une sélectivité très forte grâce à leur faible total d'intégrés (20 en filière PC).
On pourrait donc imaginer le critère suivant: rang du dernier intégré potentiel/nombre d'intégrés. Mais cela pénalise cette fois trop les écoles aux petites promos.
Mais finalement la question est tout simplement: où vont les meilleurs étudiants? Où vont les candidats admis à la fois à HEC et l'ESSEC? à l'X et aux Mines? Aux Mines et à Centrale?
Pour les écoles d'ingé, les statistiques sont assez dures à obtenir, mais ces "désistements croisés" font apparaître une tendance claire. Plus de 95% des admis à l'X et les Mines ou l'ECP choisissent l'X. Entre les Mines et Centrale, c'est serré et cela dépend des années. Puis suivent les Ponts, Supélec... Chez les commerciaux, on peut trouver ces stats sur le site bloom6.free.fr . Et on voit que la hiérarchie est aussi assez claire entre HEC , l'ESSEC et l'ESCP (avec des taux de préférence pour l'école placée au-dessus d'au-moins 90%), et un gap après l'ESCP.
Ce qui est frappant, c'est que si l'on compare aux grandes facs US (http://www.nytimes.com/imagepages/2006/09/17/weekinreview/20060917_LEONHARDT_CHART.html), les étudiants américains sont bien moins tranchés que nous. Près d'un tiers préfèrent Yale à Harvard, 3% préfèrant même Virginia (pourtant bien plus modeste, les facteurs géographiques ou d'argent jouant sûrement), le jeu est partagé entre le MIT, Princeton et Stanford... Ceci explique peut-être que les Américains sont bien moins "complexés" par leur fac que certains Français par leur Ecole: les Américains ont peut-être été refusé quelque part, mais ils n'ont pas loupé de concours pour lequel ils auraient travaillé durement durant deux ou trois ans, et s'ils n'ont pas été pris dans telle université, ils peuvent se dire que c'est juste une affaire de "profil", et ils n'ont pas à se remettre en cause autant que ceux qui estiment avoir loupé leurs concours en France. Et c'est peut-être cela qui leur permet d'aborder avec plus de confiance la suite de leurs études et le monde du travail.
Bref, vous l'avez compris, méfiez-vous des chiffres, les plus intéressants ne sont pas toujours ceux qui apparaissent sur les sites des écoles ou dans les magazines.