mercredi 10 février 2010

En attendant la tempête

Non, je ne parle pas uniquement de la tempête de neige qui va s'abattre sur New York dans les heures qui viennent. Je fais également référence au fameux plan Volcker qui vise à remettre un peu d'ordre dans la finance aux Etats-Unis. Les deux mesures phares: la limitation de la taille des banques (afin d'éviter des situations de type "too big to fail"), et l'interdiction des activités de trading et d'investissement sur leurs fonds propres (incluant par exemple le private equity ou les participations dans les hedge funds). Ce qui a amené quelques commentaires de la part de certains analystes:

  • Comme souvent aux Etats-Unis, dès qu'une réforme assez importante est annoncée, on peut (ou plutôt certains lobbyistes peuvent) faire confiance au congrès pour en limiter sérieusement l'application. Bon, on pourra aussi remarquer qu'il n'est pas forcément mauvais que le corps législatif ait un rôle important entre l'annonce d'une mesure et son application, ce qui nous change un peu de la vie politique française.
  • Les modalités pratiques de la loi restent très floues: comment limiter effectivement la taille des banques? Cela concernera-t-il uniquement les banques disposant d'une branche de dépôt? Et quid des filiales des banques étrangères, comment ne pas les favoriser? Enfin, comment différencier le tradig propriétaire du trading lié aux activités orientées clients (c'est loin d'être évident, d'un côté comment réguler la part de prop inhérente à la couverture de la vente d'un produit dérivé à un client? D'autre part, que faire des activités de market-making, souvent rattachées au prop trading, même si elles sont très utiles à la liquidité des marchés?)
  • Comment harmoniser toutes les nouvelles règles financières qui vont être votées un peu partout dans le monde? Surtout qu'en Europe continentale notamment, le modèle de la banque universelle, que l'on considère plus solide grâce à la présence d'une banque de détail mais aussi d'une banque de financement et d'investissement et souvent d'une branche consacrée à la gestion d'actifs, est favorisé après avoir mieux résisté à la crise. Alors qu'aux Etats-Unis, où les banques sont bien moins averses au risque, on cherche à protéger les banques de détail dex excès des banques d'investissement associées. Il n'y a pas de vérité universelle, le paysage bancaire est différent d'un pays à l'autre (c'est d'ailleurs pourquoi la France ne doit pas se sentir obligée de copier les mesure d'autres pays où le système et l'impact de la crise sont bien différents).
  • Enfin, ces mesures auraient-elles vraiment empêché la crise actuelle si elles avaient été adoptées avant? Ce n'est pas clair du tout: les Américains auraient tout de même été surendettés, certains auraient contracté des crédits immobiliers impossibles, les banques auraient revendu ces crédits douteux par "packs", au sein de produits dérivés de crédit (ce n'est pas forcément du trading pour compte propre), qui auraient été achetés par de nombreux investisseurs (pas uniquement des banques donc, mais des fonds, des caisses de retraites, des entreprises, bref, un paquet de monde) notamment car les risques auraient toujours été mal évalués par les agences de notation, et ce marché serait resté non régulé et illiquide. Ah oui, et Lehman Brothers par exemple, qui ne disposait pas d'une filiale consacrée à la banque de détail, aurait tout de même fait faillite. Et entraîné la panique des marchés.
Bref, pas mal de doutes, mais on en saura plus dans les prochains mois.