vendredi 2 mai 2008

De l'éducation des patrons du CAC 40 et du système éducatif français


Fact number one: dans le très sérieux classement de l'Ecole des Mines (ah ah!), les (grandes) écoles françaises sont parmi les meilleures du monde. C'est bon, vous pouvez vous rendormir, oubliez le calamiteux classement de Shangai.


Fact number two: si vous interrogez quelqu'un qui postule à un poste sélectif (du genre finance ou conseil en stratégie), il a toutes les chances de vous dire que le système est pipé en France, que tout est lié à l'Ecole, que c'est bien mieux ailleurs.


Quel est le lien entre ces deux constatations? C'est très simple. Le classement de l'Ecole des Mines ne sert pas à grand chose (si ce n'est prouver qu'en partant d'un certain critère on peut arriver à classer n'importe qui parmi les meilleures universités du monde). Il permet néanmoins de constater qu'il y a certains pays où les dirigeants sont formés dans un pool très restreint d'écoles. Le Japon, par exemple (à Todaï notamment), et donc la France. Au dernier décompte, sur les 40 numéros 1 des entreprises du CAC, 11 ont fait l'X, 8 HEC, 4 Sciences Po, le reste se partageant entre Ponts, Mines, Centrale, ESSEC, ESCP... Je n'oublie pas que la plupart des dirigeants ont une double formation, un Corps de l'Etat (Mines, même s'ils sont en voie de disparition apparemment, ça a bien chuté depuis cinq ans, ou Telecom), et surtout l'ENA (10 patrons, le plus souvent après Sciences-Po, l'X ou HEC), même si là encore je pense que ce nombre est appelé à diminuer. A noter la très faible reconnaissance du MBA au sommet des entreprises, pour le moment du moins, mais cela va surement changer, vu comment ça se passe à l'étranger, et vu aussi le nombre de très bons étudiants français qui décrochent ce prestigieux parchemin (à Harvard, Stanford, l'INSEAD, Columbia, au MIT... il est dommage de constater que Wharton, Kellogg ou Chicago sont un peu boudés alors que ce sont de top MBA aux US).


Mais à part ça, les exceptions se comptent sur les doigts d'une main(un PhD ici, deux avocats là, sans oublier les quelques rares étrangers et les "héritiers"). Est-ce normal, ou même sain? Je ne pense pas que ce soit vraiment néfaste à la santé de nos entreprises, qui étaient, c'est vrai, jusqu'à il y a peu de temps, cadenacées par les grands Corps. Pour preuve, elles sont plutôt en bonne santé, et nous disposons de quelques leaders mondiaux. Bien évidemment, il faut que les dirigeants fassent leurs preuves en entreprise, mais il n'est pas impossible de penser que des gens qui ont été brillants toute leur vie vont continuer à l'être à la tête d'une grande firme (évidemment il y a des exceptions).


Une idée préconçue est qu'aux Etats-Unis (par exemple), il est bien plus facile de réussir sans être passé par une école prestigieuse. C'est un peu vrai en ce qui concerne les patrons, qui ont fait leur preuve au cours de leur carrière en entreprise, encore que... Mais pour les jeunes diplomés, il est à mon sens aussi dur d'entrer chez Goldman Sachs ou McKinsey qu'en France. En effet, il y a là-bas aussi des facs cibles (Ivy league, Stanford, MIT...) analogues à nos écoles cibles (les parisiennes en commerce et le top 4/5 chez les ingés).


En un sens, c'est un peu plus ouvert car il est toujours possible d'être reçu en entretien en sortant par exemple de l'université du Texas (classée peut-être 20 ou 30ème mais leader régionale) car justement, certaines facs ont une vraie zone d'influence. C'est d'autant plus vrai que le tamis de sélection des universités américaines et bien moins fin que notre système de concours. Certes, il est très dur d'être admis à Harvard (10% environ), mais ce n'est pas une garantie assez importante pour les grandes entreprises. Une fois admis, il faut assurer de très bonnes notes pour postuler aux entreprises les plus prestigieuses, et c'est loin d'être le cas en France. De plus, aux Etats-Unis, on voit parfois des étudiants refuser une top school pour une université locale moins prestigieuse mais où ils ont obtenu (par exemple) une bourse complète. Ce qui explique que des boites prestigieuses viennent quand même les recruter. En France, des étudiants qui refusent HEC pour l'ICN Nancy, ça ne se voit pas (attention je n'ai rien contre Nancy, hein, c'est juste un exemple). Tout est beaucoup plus hiérarchisé. Sans oublier le fait qu'à part certains étudiants qui partent en médecine ou en droit, les Grandes Ecoles (ingés et commerce) sont souvent vues, à tort ou à raisons, comme les filière les plus prestigieuses en France (alors qu'aux US c'est plutôt le droit ou médecine justement, et même un brillant étudiant en histoire à Yale a toutes les chances d'être assez brillant pour être recruté n'importe où, sélection oblige).


En résumé, oui, les entreprises françaises sont encore dirigées par des personnes sorties d'un nombre restreint d'écoles, mais le système fonctionne (pour le moment) assez correctement. Et non, l'élitisme n'est pas uniquement une notion française. Si des milliers de Français sont partis travailler à Londres dans la finance, ce n'est pas parce que les standards de recrutement sont moins élevés, c'est tout simplement parce qu'il y a plus d'opportunités!


PS: pourquoi les grands patrons sont-ils payés aussi cher? Réponse simple: "Economics of superstars", article fameux de Sherwyn Rosen. Ils sont peu nombreux à être capables de maîtriser les subtilités de l'administration d'une grande entreprise, ils rapportent bien plus à leur entreprise, ont une grande réputation, bref des stars, un peu comme des footballeurs, avec des salaires comparables. Evidemment, il faut les rémunérer en grande partie par rapport aux performances de leur entreprise, mais sans vouloir polémiquer, il me semble que la part du variable dans le salaire des footballeurs est extrêmement faible, non?

2 commentaires:

rytus a dit…

J'espère que les grandes écoles françaises continueront à émerger dans le monde!Pour les PDG,ils ont beaucoup travaillé pour mériter un très bon salaire.Mais qu'ils n'oublient pas aussi les employés lorsqu'il y a des bénéfices,ils seront d'autant plus fier et volontaire de travailler pour les entreprises que ces memes PDG dirigent.

idx a dit…

Absolument... d'où la nécessité de répartir les gains de l'entreprise entre employés, dirigeants, actionnaires...