HEC s'apprête à annoncer en grande pompe la suppression des frais de scolarité pour les boursiers, qui s'élèvent à 8600€ par an, durant les trois années de cours que comptent le cursus (avec souvent une année de césure en entreprise entre la seconde et la troisième année). C'est sans doute une bonne mesure, ainsi qu'un beau coup de pub, alors que les problématiques de diversité sociale et ethniques sont au cœur de l'actualité.
Mais lorsque je vois la presse analyser cette mesure en pressentant une hausse du pourcentage d'étudiants de milieux défavorisés dans les années à venir, je doute un peu. D'une part parce qu'HEC offrait déjà des exonérations de frais de scolarité assez importantes pour certains élèves jusqu'à présent. D'autre part parce que le nombre d'élèves boursiers en classe prépa est faible, et que ceux-ci ne boudaient pas forcément HEC à cause de son prix (notamment parce qu'après tout, la plupart des autres écoles coûtent la même chose, et il est facile d'obtenir un prêt à bas taux pour couvrir ces frais de scolarité, avant de profiter des salaires relativement hauts à la sortie de l'école pour le rembourser; mais certains ont du mal à considérer une formation du supérieur comme un investissement).
Bref, beaucoup de bruit pour pas grand chose. Pour ne pas délaisser les étudiants des classes moyennes, HEC pourrait songer à enfin proposer l'apprentissage comme alternative, ce que font déjà la plupart des autres écoles, et cela couvre les frais de scolarité et propose à l'étudiant une expérience professionnelle et un salaire au cours de ses études.
Finalement, l'Institut Montaigne remarquait dans un rapport paru il y a quelques années que le pourcentage d'enfants d'ouvriers à l'X, Normale Sup', l'ENA et HEC était passé de 29% à 9% en 40 ans (et on devrait toutefois préciser que la proportion d'ouvriers a largement diminué en France sur cette même période). L'aspect financier n'est pas le premier critère en France, car après tout, les étudiants sont même payés à l'X, l'ENS et l'ENA. Nous ne sommes pas dans le même cas de figure qu'aux Etats-Unis où, vu le poids des frais de scolarité, des universités comme Stanford ou Yale ont pris une mesure très importante en exemptant de frais de scolarité les étudiants dont la famille gagne moins de 100000$ par an. Non, le problème réside dans les inégalités entre les "Grands Lycées" et ceux de banlieue ou de province: souvent, les étudiants ignorent les filières d'élite, sont mal orientés, ou s'auto-censurent. Et en ce qui concerne les remèdes, je préfère largement la "pré-prépa" d'Henri IV aux quotas de Sciences-Po...
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
4 commentaires:
Concernant les inégalités sociales dans les grandes écoles, je vous renvoie à cet article de libération qui, pour une fois, cite des études (a priori sérieuses) sur le sujet et ne se contente pas de donner l'évolution du pourcentage de fils d'ouvriers.
En particulier :
«les jeunes d’origine populaire vers 1950-1955 avaient 24 fois moins de chances que les autres d’être dans l’une de ces quatre grandes écoles. Aujourd’hui ils en ont 23 fois moins»
La situation n'a donc pas empiré comme on l'entend souvent mais n'est évidemment toujours pas satisfaisante.
Voilà, c'est le chiffre que je cherchais. Bon après, il n'y a pas de quoi en être vraiment fier, la situation n'est pas très bonne en ce qui concerne la "mixité sociale", mais au moins, elle ne s'est pas dramatiquement détériorée.
Une des différences cependant, est qu'il suffisait en 1960 à un enfant d'ouvrier de passer son bac (avec 15% d'une classe d'âge qui y parvenait) pour se placer parmi les meilleurs de sa génération et avoir de bonnes chances de réussite. Aujourd'hui, avec la dévalorisation du bac, et même de certains diplômes pourtant considérés comme "bac+5", ce n'est plus le cas, d'où une certaine amertume et un sentiment d'injustice de la part de certains étudiants. La faute au système probablement, avec cette obsession égalitariste, on n'a pas assez rappelé que certaines filières étaient plus prestigieuses, avaient plus de débouchés que d'autres, mais étaient sélectives (et c'est presque un mot tabou à l'université).
Je ne suis plus sur que la notion de fils d'ouvrier soit très pertinente aujourd'hui. Mieux vaut raisonner avec précarité, immigration, capital intellectuel...
Oui mais quelle "métrique" considérer pour mesurer ces facteurs?
Enregistrer un commentaire